« Trois guinées » de Virginia Woolf

Une fois n’est pas coutume, je suis en retard pour présenter le titre choisi pour le thème de ce mois du rendez-vous Les Classiques c’est fantastique organisé depuis trois ans maintenant par Moka et Fanny. Virginia Woolf. Je n’y suis pourtant pas allée à reculons, au contraire, mais le mois de mars est passé beaucoup trop vite…

L’an dernier j’avais lu Un lieu à soi, je poursuis la lecture de ma jolie édition anglaise avec Trois guinées.

Ce texte est l’objet d’une longue réflexion de Virginia Woolf suite à une lettre qu’elle a reçue et qui pose la question suivante : comment empêcher la guerre ? (How in your opinion are we to prevent war ?). Une question d’actualité puisque nous sommes en 1938 et que la montée du fascisme menace la paix en Europe.

Pour y répondre, l’autrice a une réponse simple : la faute au patriarcat. Mais pour développer cette réponse, qui ne peut se suffire à elle-même, elle va développer trois axes de réflexion avec une guinée pour chaque : l’éducation des femmes, l’accès au travail et la place de la femme dans la sphère publique.

J’aime lire Virginia Woolf en anglais car je l’ai découverte ainsi, j’entends sa voix, son phrasé britannique, et avec cette photo en couverture, je ne peux que me l’imaginer assise dans « son lieu à elle », les lettres auxquelles elle se réfère devant elle, la plume à la main. Son écriture est posée, claire, savamment articulée. Elle prend le temps pour expliquer son point de vue, s’adressant en permanence à son locuteur, imaginant comment elle pourrait répondre à l’une ou l’autre des lettres reçues. C’est un long monologue auquel nous sommes conviés. Sans condescendance et avec une pointe d’ironie.

Elle parvient à identifier les problèmes et à étayer son point de vue avec tant d’arguments qui semblent couler de source qu’elle nous persuade et nous convainc.

Il y a des longueurs, c’est certain. Mais j’ai trouvé cet essai passionnant et il s’inscrit dans la continuité de Un lieu à soi. Les femmes doivent gagner leur indépendance. En ayant accès à l’éducation, elles peuvent penser par elles-mêmes et acquérir des compétences. En acquérant des compétences elles peuvent travailler autrement qu’en étant gouvernante ou personnel de maison. En travaillant elles peuvent être indépendantes financièrement et exprimer le fond de leurs pensées, puisque le mariage et la maternité ne sont plus leurs seules professions et qu’elles n’ont plus le souci de plaire à un bon parti, de calquer leurs opinions sur celles du mari, d’être en faveur de la guerre dans laquelle se vautrent les hommes en quête de gloire en l’honneur de la patrie. Une patrie qui n’a jamais rien fait pour elles, les réduisant à être les esclaves des hommes, les bannissant des universités, leur fermant la porte des professions intellectuelles, les reniant si elles épousent un étranger.

Essai féministe s’il en est, bien que Virginia Woolf n’approuve pas ce mot, l’autrice reste sur la position adoptée dans Un lieu à soi. Les hommes et les femmes ne doivent pas être égaux puisqu’ils sont différents. Il faut simplement qu’ils aient les mêmes droits, les mêmes accès au travail et à la vie publique, la même considération. Les femmes ne doivent surtout pas être les égales des hommes, elles doivent seulement être traitées également. La nature intrinsèque des femmes et leur histoire commune les a forgées pour ne pas être des êtres guerriers. Qu’elles tirent avantage de cette qualité et contribuent ainsi à aller vers un monde où on pourrait empêcher la guerre.

Take this guinea then and use it, not to burn the house down, but to make its window blaze.

Encore une fois, je suis absolument conquise par l’esprit et la plume de Virginia Woolf. Il me tarde déjà de la relire !

Penguin classics, 1993, ISBN 978-0-241-37197-8

Publicité

8 réflexions au sujet de « « Trois guinées » de Virginia Woolf »

    1. J’ai fait des études d’anglais et je suis passionnée par la langue, ce n’est donc pas un gros effort, je dois l’admettre. D’autant plus que l’anglais de Virginia Woolf est accessible. Un lieu à soi est un texte très important et passionnant, je ne peux que t’encourager à le découvrir ☺️

      1. Effectivement, ça doit faciliter la compréhension. Je lis des romans en anglais de temps en temps, mais je doute de me lancer dans un essai en VO, je pense que je passerai à côté de choses intéressantes.

  1. Je trouve ça passionnant que tu puisses la lire en anglais! 🙂
    Tout comme avec Orlando, ce livre était dans ma PAL pour ce mois-ci mais…finalement je ne me suis contentée que d’un récit.
    Bref, les Trois Guinées sera lu, c’est certain!

    1. J’ai pris goût à relire en VO du coup, je me suis procurée un roman victorien in English !
      J’avais adoré Orlando aussi (j’ai aimé tout ce que j’ai lu de Woolf à vrai dire). Je suis sûre que le moment venu, cela te plaira beaucoup aussi ! Tout comme ces fameuses Trois guinées 🙂

A vous les micros !

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s