« L’homme en rouge » de Julian Barnes

En 2015, Julian Barnes se promène dans la National Portrait Gallery à Londres lorsqu’il tombe sur une toile de John Singer Sargent intitulée Le docteur Pozzi dans son intérieur. Qui est le docteur Pozzi ? Intrigué, l’écrivain se renseigne et, de fil en aiguille, accumule des informations qui lui donnent envie de consacrer un livre à cet homme célèbre en son temps et de l’inscrire dans son époque, la fin du XIXe siècle.

L’ouvrage s’ouvre sur un voyage que le docteur Pozzi a fait à Londres avec le Prince Edmond de Polignac, qu’on rencontrera peu dans cet ouvrage, et avec le comte de Montesquiou auquel au contraire de nombreuses pages seront consacrées. Le docteur Pozzi contraste avec ses compagnons de voyage car il n’est pas de lignée aristocratique. Il est d’origine italienne et a grandi à Bergerac. Depuis jeune, il s’est passionné pour la médecine à laquelle il s’est consacré toute sa vie. Sa spécialité était la gynécologie. Monté à Paris, il excelle dans son domaine et devient une figure majeure avec de grandes responsabilités et de nombreux patients argentés.
Julian Barnes éprouve de toute évidence beaucoup de respect pour cet homme pour qui la médecine était une vocation et un sacerdoce. Il prônait notamment d’éviter le recours à la chirurgie autant que possible, à une époque où ses confrères avaient le bistouri facile. Il mettait en avant le bien-être des patients, créant des salles avec de belles peintures et des bibliothèques fournies dans les hôpitaux. Et surtout, il insistait sur le fait qu’il était primordial de ménager les patientes lorsqu’elles étaient examinées. 

Un médecin humain qui n’était pas sans faille. Un mariage malheureux, de multiples maîtresses, une fille avec qui il n’a jamais réussi à nouer une relation paternelle… Une vie privée en demi-teinte qui n’enlève rien à son dévouement et à son talent professionnel, mais laisse apercevoir un homme pas totalement comblé. Socialement, c’était un homme mesuré, jamais un mot plus haut que l’autre ni de paroles blessantes : il était généralement très apprécié et on ne lui connaissait pas d’ennemi.

Ce qui était loin d’être le cas du comte de Montesquiou, qui n’hésitait pas à être piquant et provocant. Un dandy qui aimait se prétendre au-dessus du lot et qui a vécu de nombreuses années avec un homme qui lui était soumis. Pourtant, nous ne pouvons pas le trouver odieux car ce comportement était vraisemblablement le mécanisme de défense de quelqu’un assailli de doutes.

Que vient faire le comte de Montesquiou dans cette pseudo biographie ? C’est là le défaut du livre. A côté de ce personnage, vous trouverez Sarah Bernhardt (une maîtresse de Pozzi), Léon Daudet, Oscar Wilde, Jean Lorrain et tant d’autres personnages. Le projet est de rendre compte du contexte politique, sociétal et culturel de Samuel Pozzi et donc de parler évidemment des gens qui l’entouraient. Mais il n’y a pas que cela. De nombreuses personnalités, anecdotes et informations se glissent dans le récit sans qu’on comprenne pourquoi. Il est évident que Julian Barnes, débordant d’enthousiasme, pris par son sujet, fort de toutes ses connaissances acquises, a tout déposé dans ce livre sans qu’on puisse dégager un schéma narratif construit. Cela part dans tous les sens. Alors que le sujet principal est très intéressant, Samuel Pozzi et les mœurs de la Belle-Epoque, le propos devient confus et la lecture laborieuse.

Heureusement, de très nombreuses illustrations (énormément d’images Felix Potin) permettent de mettre des visages sur les noms et animent la lecture. On peut voir ainsi le docteur Pozzi posant jeune sur le tableau sus-nommé, puis en photographie à différents âges. La plume de Julian Barnes est aussi un atout majeur pour sauver le lecteur si ce n’est de l’ennui, du moins d’un sentiment de perplexité face à la profusion d’informations.

Au final, L’homme en rouge vaut le coup de la lecture pour le fond, Samuel Pozzi est un homme qui mérite d’être connu, mais pèche par la forme.

Folio, 2022, ISBN 978-2-07-296783-2, 304 pages, 9.40€
Traduction de Jean-Pierre Aoustin

Chronique rédigée pour Les Chroniques de l’Imaginaire

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2 réflexions au sujet de « « L’homme en rouge » de Julian Barnes »

    1. Je ne sais pas, je n’ai rien lu d’autre de lui ^^ J’ai aimé son écriture donc peut-être que j’apprécierais davantage ses romans.

A vous les micros !

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