« Kérosène » de Piero Macola & Alain Bujak

9782754814744Le Camp du rond est un quartier de Mont-de-Marsan, un quartier pas comme les autres. Malgré ses nombreuses maisons, il n’y a qu’une boîte à lettres, qu’un nom de rue : la rue Django Reinhardt. Un nom qui sied bien aux habitants du Camp, puisque c’est là où vivent les manouches depuis leur installation après la guerre. En 2009, ils sont toujours là.

Des baraques insalubres que les femmes briquent pourtant de fond en comble, pas d’évacuation des eaux usées, des câbles électriques partout… Sans compter le bruit assourdissant des avions de la base militaire située aux portes du camp. D’ailleurs, le camp est en zone A, la zone à l’intérieur de laquelle personne ne peut vivre tant les nuisances sonores sont néfastes pour la santé. Ne parlons pas du kérosène qui goutte sur le campement. Vous l’aurez compris, un lieu que tout un chacun considèrerait inhabitable.

Le photographe Alain Bujak s’est rendu sur place afin de témoigner de la précarité dans laquelle vivent les manouches. C’est Marie, la doyenne,qui l’accueille. Elle lui raconte comment sa mère et ses frères et soeurs ont atterri là, rejetés de toutes parts à cause de leur statut. Elle lui parle des carnets anthropométriques du début du siècle, dans lesquels étaient consignées toutes les caractéristiques physiques de leur propriétaire. Des signalements à faire à la mairie dès que les manouches arrivaient dans une localité. De l’amende qu’ils payaient quand ils ne l’avaient pas fait, même si la raison était que la mairie était fermée.

Aujourd’hui, la situation n’est guère mieux. Les hommes vivent de la récupération des métaux, au péril de leur santé et de celle de leurs enfants. Lorsqu’ils recherchent un emploi, la simple évocation de leur adresse leur ferme les portes. Pas évident de s’adapter à ce monde qui a du mal à accepter leur mode de vie mais qui ne veut pas non plus les voir s’installer pour de bon.

Aussi, lorsque la mairie leur propose un plan de relogement, l’enthousiasme n’est pas général. Ils ont peur des complications, des factures, des papiers administratifs, ces contraintes qu’ils n’ont pas l’habitude de gérer. Et puis, comment va réagir le voisinage ?

Ce documentaire d’Alain Bujak et Piero Macola est édifiant. On y voit des êtres humains loin des clichés, qui aiment leur vie de nomades au grand air mais qui sont dans l’obligation de se sédentariser tout en étant rejetés de la société. De nombreuses photographies s’insèrent dans le récit pour donner des visages à ce camp. On y voit des figures souriantes, fières et pleines de vie. On y voit aussi la misère dans laquelle on les a longtemps maintenus. Les auteurs ne cherchent pas à tirer les larmes, juste à montrer les faits tels qu’ils sont. Ils nous montrent aussi les efforts déployés par la nouvelle équipe municipale, l’architecte et un médecin pour améliorer leurs conditions de vie. Pour parvenir à les insérer durablement dans la vie quotidienne de Mont-de-Marsan.

Un ouvrage très réussi à lire et faire connaître.

Chronique rédigée pour Les Chroniques de l’Imaginaire
Futuropolis, 2017, ISBN 978-2-7548-1474-4, 136 pages, 21€

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16 réflexions au sujet de « « Kérosène » de Piero Macola & Alain Bujak »

  1. Je note car je ne connaissais pas du tout ce titre et ce que tu en dis me plaît ! Et puis ce mélange d’illustrations et de photos… bref, je suis intriguée 😉

A vous les micros !