« Ulysse from Bagdad », Eric-Emmanuel Schmitt

Oui, je sais, c’est le deuxième billet de la journée et qui plus est aussi consacré à un roman d’Eric-Emmanuel Schmitt 😉 Ça s’est goupillé comme ça, car pour ce billet il s’agit d’une LC organisée par Nath sur Livraddict.

Me revoilà donc plongée dans l’univers de cet auteur que j’apprécie de plus en plus.

Résumé : Saad Saad est un Irakien qui a vu son peuple souffrir sous la dictature de Saddam Hussein, et davantage encore avec l’embargo imposé par les Américains. Puis il a vu ces mêmes Américains débarquer pour renverser le pouvoir et libérer le peuple. Ahem. Finalement la vie est toujours aussi dure, et la mère de Saad l’implore de quitter le pays pour gagner de l’argent à l’étranger et pourvoir aux besoins de sa famille. Mais la vie d’un émigrant sur la route est loin d’être facile.

Mon avis : je découvre une nouvelle facette de l’auteur avec ce roman. J’avais déjà perçu la dimension humaniste d’Eric-Emmanuel Schmitt, mais ici cela prend une forme plus concrête, plus actuelle, plus engagée, et quelque part plus polémique.

Car on parle tout de même d’un phénomène qui n’a jamais été autant d’actualité ces dernières années (selon mon ressenti) : l’immigration. Mais ici c’est vu sous les yeux d’un de ces réfugiés, et ça fait du bien de se mettre de l’autre côté.

Saad est un personnage très attachant, et cultivé, grâce à son père, qui par son métier a réussi à entreposer dans sa cave une multitude de livres interdits par le régime. Le père de Saad est un philosophe, qui ne parle qu’en périphrases aux significations obscures ; puis lassé de se voir incompris, son langage devient beaucoup plus fleuri et accessible ^^

Le début du roman est plutôt triste. Dès qu’une lueur d’espoir vient scintiller à l’horizon, un évènement tragique vient éteindre la flamme. Saad perd son amour, ses beaux-frères, neveux et nièces, et son père, dans des circonstances d’une ironie fatale. Mais lorsque Saad part pour l’étranger, son père lui apparaît depuis l’au-delà et lui parle de l’odyssée dans laquelle il s’engage, tel Ulysse. Et c’est cela qui va rendre le récit plus supportable.

L’Odyssée de Saad va à partir de son exil plus s’apparenter à un conte. Un mélange de l’Odyssée d’Homère et du Zadig de Voltaire qui va permettre au message de passer tout en y insérant de la légèreté et l’humour.

Nous allons retrouver des moments clés des aventures d’Ulysse, et encore, ma lecture de l’Odyssée remonte à une bonne dizaine d’année, des références m’ont certainement échappée. Mais on rencontrera les Sirènes, sous la forme d’un groupe de rock. Au lieu de séduire avec leurs chants elles rendront sourds Saad et son compagnon de voyage ^^ Il y aura le cyclope, l’épisode du « Personne », Charybde et Scylla, Calypso, et le fameux Ulysse évidemment, surnom qui sera donné à Saad.

Tout cela est à la fois drôle et très émouvant, car malgré le côté loufoque de certaines situations, nous gardons en tête tout du long qu’il s’agit d’un voyage inhumain et néanmoins quotidien pour certains. Les passeurs, les voyages en camion debout sans bouger, les douaniers… C’est un monde très dur qui est décrit, et l’auteur en profite pour dénoncer certaines lois, politiques, et comportements qui lui semblent indignes de l’espèce humaine.

Encore une fois la magie de l’écriture d’Eric-Emmanuel Schmitt a opéré. J’ai eu du mal à rentrer dans l’histoire car cela changeait de ce que je connaissais de l’auteur, mais au fur et à mesure j’ai retrouvé son subtil mélange de féerie et de mise en relief d’injustices, de sérieux et de drôlerie en même temps. C’est fou comme ses romans sont travaillés, pour garder une cohérence et une rythmique parfaites. Et il a une vision de la vie et de la psychologie tellement justes ! Je pense que je suis bien partie pour lire toute son oeuvre 🙂

Le Livre de Poche, 2010, ISBN 978-2-253-13454-1, 277 pages, 6,60 €

8 réflexions au sujet de « « Ulysse from Bagdad », Eric-Emmanuel Schmitt »

  1. Je m’étais aussi inscrite à la LC, mais je n’ai pas eu le temps de le lire pour des raisons dont tu te doutes, étant donné la date 😉
    Quoi qu’il en soit, il reste dans ma liste, je suis devenue une inconditionnelle de EES ^^

  2. Cet homme m’épate à chaque fois, que ce soit dans l’univers musical ou celui des religions, au théâtre comme aux nouvelles ou aux romans. Il sait expliquer clairement des notions importantes de la société. Il semble écrire avec une telle facilité qui, pour nous, se retrouve dans la lecture. Son dernier recueil de nouvelles est superbe aussi.

A vous les micros !