« Une parfaite chambre de malade », Yoko Ogawa

Il y a quelques semaines je vous annonçais notre première lecture commune avec ma correspondante Livresse. Nous avions porté notre choix sur Une parfaite chambre de malade de Yoko Ogawa, car nous partageons le même intérêt pour la littérature asiatique, et nous avions toutes les deux envie de découvrir cette auteure.

Le livre est composé de deux nouvelles : Une parfaite chambre de malade et La désagrégation du papillon.

Une parfaite chambre de malade

La narratrice se remémore le moment où elle a accompagné son frère dans la maladie. Elle a passé beaucoup de temps avec lui dans sa chambre d’hôpital, jusqu’à ce que la mort l’emporte.

La désagrégation du papillon

La narratrice emmène dans une maison de repos la femme qui l’a élevée, maintenant sénile.

Mon avis : les résumés sont courts car du point de vue de l’histoire il n’y a pas grand chose à en dire. Ce qui importe c’est la façon dont la narratrice perçoit les choses. Dans la première nouvelle, elle prend le temps d’observer la chambre, aux couleurs sobres, d’une propreté extrême. Alors qu’elle est un lieu de maladie, elle s’y sent bien car c’est un cocon de pureté, dans lequel elle se sent en sécurité. Elle observe son frère, très mince, incapable de manger autre chose qu’une certaine variété de raisin. Elle note la transparence de sa peau. A la maison, elle scrute son mari quand il mange, les bruits qu’il fait en mastiquant, la gymnastique de sa bouche. La deuxième nouvelle continue dans la même optique. Elle écoute son corps, perçoit les mouvements de ses organes, de son utérus.

Cette façon de raconter un récit de façon organique est déroutante. Au début j’ai accroché car le style est… japonais. J’aime ce phrasé tout en douceur, ces mots précis et ce regard relativement neutre sur les choses. Tout est décrit avec objectivité, mais les émotions suscitées sont elles bien subjectives et chargées d’émotion. Pourtant, plus j’avançais dans ma lecture, plus j’éprouvais comme un malaise. Car à aucun moment je n’ai su éprouver de l’empathie, ni même de la sympathie pour cette femme. Ses pensées, émotions et réactions me sont totalement étrangères. Et c’est sans nul doute de là que vient le fait que j’ai eu beaucoup de mal à terminer ce court roman de 153 pages.

Les relations humaines dépeintes sont aussi atypiques. La narratrice a une approche très sensuelle envers son frère. Aucunement sexuelle, mais tout de même inhabituelle. Dans la deuxième nouvelle, elle et son compagnon ? amant ? on ne sait pas très bien… semblent à la fois très proches et à mille années lumières l’un de l’autre. La narratrice m’apparait comme vivant dans son propre monde dans les deux récits. Sans qu’on soit dans la folie, elle a juste une façon de penser très particulière.

Il y a autre chose qui m’embête avec ce roman. C’est que je sens que c’est comme pour certains poèmes. Il suffit qu’on nous l’explique et tout prend un sens nouveau. Le caché devient visible. Pour ces deux nouvelles, je me demande s’il ne me manque pas une clé de compréhension. Mais peut-être pas après tout, parfois il n’y a rien de spécial à comprendre. Mais ce doute me frustre.

Je ressors de cette lecture partagée. Décue parce que je n’ai pas accroché aux deux histoires, ni au style de l’auteure. La description des aliments, des résidus de vaisselle, des sensations corporelles, tout ce côté organique a vraiment gêné ma lecture. J’avais comme un drôle de goût dans la bouche tout du long. Mais en même temps je suis contente d’avoir approché une littérature différente. Même si ce n’a pas été concluant cette fois ci, c’est toujours intéressant de changer de décor de temps à autre. D’ailleurs j’ai toujours l’intention de lire un jour La formule préférée du professeur de cette même auteure. Chat échaudé ne craint pas l’eau froide 😉

Merci à Livresse d’avoir partagé cette lecture avec moi ! D’ailleurs, qu’en a-t-elle pensé ? C’est par ici !

Editions Babel, ISBN 978-2-7427-5661-2, 153 pages, 6,50 €

6 réflexions au sujet de « « Une parfaite chambre de malade », Yoko Ogawa »

  1. Je n’ai pas lu ce livre, cependant dans les oeuvres japonaises que j’ai eu l’occasion de découvrir j’ai toujours cette sensation de malaise.

    Du coup la question que je me pose et de savoir si les auteurs entretiennent ce style pour dérouter le lecteur et l’emmener dînas ses zones d’inconforts.
    Ou alors c’est notre ethnocentrisme, notre point de vue européen, qui fait que nous n’arrivons pas en comprendre le comportement japonais et nous fait nous sentir mal ?

  2. Si si, t’inquiète, j’ai compris ^^ Je pense aussi que c’est culturel. Dans Murakami il y a un peu de ça aussi, mais comme l’intrigue passe au premier plan, on le ressent moins. Je pense à Aomamé dans 1Q84 qui est obsédée par la perfection de son corps, ou les descriptions de Tengo qui découpe ses légumes. C’est plus contemplatif et décalé par rapport à la façon de faire européenne.
    Pour ce livre de Yoko Ogama elle a des pensées qui me sont vraiment totalement étrangères. C’est pas du tout comme dans La Clé de Tanizaki, je te rassure ^^ Mais c’est quand même étrange…

  3. J’aime beaucoup ton approche de la lecture. Effectivement, les narratrices sont tellement spéciales qu’effectivement ca crée un réel malaise, que l’on ressent souvent dans la littérature asiatique. On ressort toutes les deux avec la frustration de ne pas savoir si on a réellement pas tout compris ou pas ^^

    Je suis heureuse d’avoir partager cette lecture avec toi, et d’avoir pu constater qu’on a pas forcément appuyer les mêmes points de la lecture. J’espère avoir le plaisir de refaire à nouveau un partage de lecture en ta compagnie 🙂

    1. C’est ce qui m’embête le plus en fait, de ne pas être sûre d’avoir capté tout ce que l’auteure voulait transmettre.
      Mais comme je te disais c’est une lecture commune d’autant plus intéressante qu’on s’est attardées toutes les deux sur des points totalement différents 🙂
      Pour ce qui est d’une autre LC ensemble, eh bien… quand tu veux !!! 🙂

A vous les micros !