« Là où vont nos pères », de Shaun Tan

J’ai repéré cette BD la semaine passée chez Lystig. Elle m’a attirée pour deux raisons. D’une, j’étais intriguée par la BD sans texte. De deux, pour le thème des immigrés. Je suis généralement attirée par tout ce qui touche à la différence, la tolérance, le vivre ensemble etc, en gros les comportements face à ce qui nous est étranger.

Cette BD raconte l’histoire d’un homme qui quitte sa famille pour partir dans un pays inconnu, afin de gagner de l’argent et faire vivre sa femme et sa fille. Il laisse derrière lui une maison  avec un pendule, une cocotte, une théière, des objets de notre quotidien, et débarque dans une ville où l’écriture est différente, où les animaux ressemblent à des monstres, où la nourriture n’a rien à voir avec ce qu’il connaît. De notre regard d’occidentaux du 20è siècle, il s’agit d’une uchronie. Mais en réalité, c’est un peu ce que doivent ressentir les immigrés qui ne viennent pas d’un pays où il y a internet dans chaque foyer, où la pauvreté fait rage. Ou un peu aussi comme Pocahontas arrivant à Londres.

Nous suivons donc ce pauvre homme dans ses efforts pour s’adapter à sa nouvelle vie. L’arrivée sur place ressemble beaucoup à Ellis Island, avec les gratte-ciels à l’horizon. Et dans sa postface, l’auteur précise d’ailleurs qu’il s’est inspiré de clichés d’Ellis Island pour ses dessins. Un mot rapide sur Shaun Tan : c’est un Autralien, né d’un père malais qui a quitté son pays pour l’Austalie en 1960. Il s’est appuyé sur différents témoignages et anecdotes pour construire cette histoire. Son site est ici si vous voulez regarder un peu plus son travail.

A son arrivée, l’homme est examiné, comme cela se faisait à Ellis Island. Une fois cette étape franchie, il doit se mettre en quête d’un logement et d’un travail. Pas facile quand la langue et l’alphabet sont différents des nôtres. Il saura heureusement trouver du soutien auprès d’individus qui sauront lui apporter un peu d’aide et de chaleur, au milieu d’une foule globalement indifférente. Mais pas méprisante.

Je n’ai pas été gênée par l’absence de texte. Au contraire même, les dessins sont tellement expressifs et chargés d’émotion qu’ils se suffisent à eux-mêmes. Ce n’est pas une BD très triste non plus. Sans spoiler, au début j’avais envie de pleurer, et plus le récit avançait, plus j’avais envie de sourire. Du coup ce n’est plus très crédible, les histoires d’immigrés qui se passent bien ça ne court pas les rues. Mais c’est ce qui est beau dans cette histoire justement, et qui fait du bien.

J’ai beaucoup aimé l’utilisation des éléments uchroniques dans l’histoire : les animaux de compagnie monstrueux qui sont en fait adorables, les aliments étranges qui sont en réalité très bons… Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences et laisser sa chance à ce qu’on ne connait pas.

Que dire d’autre ? Les dessins sont terriblement beaux, dans des tons sépia majoritairement. Les traits sont fins, précis, les vignettes fourmillent de détails. Il y a un côté onirique très plaisant qui accentue l’uchronie de l’histoire.

Je me suis régalée du début à la fin, et j’ai trouvé cette histoire poignante, elle m’a beaucoup touchée. A lire !!

Retrouvez les autres billets BDs du jour chez Mango !

Fauve d’or Angoulême 2008

Dargaud, 2008, ISBN 978-2-205-05970-0, 120 pages, 16,45 €

22 réflexions au sujet de « « Là où vont nos pères », de Shaun Tan »

  1. Superbe album que j’ai dans ma bibliothèque… A recommander chaudement autour de soi, je suis bien d’accord avec toi !
    Merci pour cette belle présentation.
    Nathalie

    1. Je vais malheureusement devoir le rendre à la médiathèque mais je suis heureuse d’avoir pu le lire. Merci de ton passage Nathalie 🙂

  2. Je verrais à la rentrée si ma petite bibliothèque peut se l’acheter, sinon à la médiathèque qui est loooin… Je le note, tu es terriblement tentante à chaque fois !!! 🙂

  3. Je suis encore sous le charme de cet album. J’ai réellement été impressionnée par cet univers à la fois étranger mais qui dégage beaucoup d’émotions familières. Les codes graphiques, les repères, la tete des animaux et la forme des objets, tout est si différent pourtant, Shaun Tan a trouvé-là « des mots » universels

    1. Dire que sans ton rendez-vous du mercredi je serais certainement passée à côté ! C’est grâce à toi que je fais toutes ces découvertes 🙂

A vous les micros !