« Le fantôme arménien » de Laure Marchand, Guillaume Perrier & Thomas Azuélos

51vNqPWRAaLLaure Marchand et Guillaume Perrier sont deux journalistes qui ont passé dix ans en Turquie, à Istanbul. En 2012, ils ont signé une enquête sur la mémoire du génocide arménien en Turquie. Cet album reste dans le même thème puisqu’ils ont suivi le voyage de Varoujan Artin, un Marseillais de la diaspora arménienne.

Varoujan dirige le centre Aram, à Marseille, dédié à la préservation de la mémoire et de la culture arméniennes. C’est la première fois qu’il se rend sur la terre de ses ancêtres. Il n’est pas à l’aise du tout sur ce nouveau territoire, car la Turquie n’a jamais reconnu le génocide arménien et ces derniers ne sont pas bien vus par les Turcs. Ils restent une minorité qui vit dans les terres reculées de la Turquie, au même titre que les Kurdes.

PlancheA_242111Ce documentaire parle davantage des ancêtres arméniens que des Arméniens actuels, car la plupart d’entre eux ont été exterminés en 1915. Les survivants ont été contraints de s’islamiser alors qu’il s’agit d’un peuple chrétien, et de changer de nom. La langue a petit à petit disparu pour être supplantée par le turc.

Varoujan et sa femme Brigitte parcourent les villes de Diyarbakir, Dersim et Bogazdere, qui ont un fort ancrage arménien. Ils rencontrent ainsi des personnes qui se souviennent et ont une histoire à raconter. Et des vérités à rappeler, car certains ont du mal à pardonner à leurs frères de la diaspora de les avoir « oubliés ». Il s’agit bien entendu d’autre chose que de l’oubli, mais ceux qui sont restés derrière et ont tout perdu perçoivent parfois les choses différemment, ce qu’on peut aisément comprendre.

790443_05La tragédie arménienne nous est de plus racontée factuellement, avec des dates et des chiffres. Ces informations rejoignent les témoignages des habitants, qui parlent de massacres abominables. C’est un peuple qui a été exterminé et il est incroyable que la Turquie refuse de le reconnaître. On apprend aussi que les Kurdes ont subi le revers de la médaille : eux qui ont aidé les Turcs dans ce génocide en ont à leur tour été la cible. Les Arméniens et les Kurdes ont choisi le pardon pour pouvoir faire face à leur ennemi commun.

Cette histoire est mise en image par Thomas Azuélos, qui a dessiné les planches comme des aquarelles, avec des tons terreux qui se prêtent bien aux décors du territoire qu’explorentVaroujan et Brigitte. Il utilise aussi avec doigté des incrustations de photographies qui rendent encore plus poignant le destin des Arméniens de 1915 et plus terrifiants les agissements des décideurs turcs.

En sortant de cette lecture, on ressent tout le poids porté par les Arméniens de la diaspora. Peut-être un peu trop, on frise le pathos. Après ce que Laure Marchand et Guillaume Perrieront vu et entendu, on ne peut leur en tenir rigueur.

Cet album est en tous les cas édifiant et permet de mieux comprendre le passé et l’héritage des Arméniens de Turquie.

Chronique rédigée pour Les Chroniques de l’Imaginaire

Futuropolis, 2015, ISBN 978-2-7548-1151-4, 128 pages, 19€

5 réflexions au sujet de « « Le fantôme arménien » de Laure Marchand, Guillaume Perrier & Thomas Azuélos »

  1. Un beau témoignage doublé d’un bel hommage. Je n’ai pas souvenir d’autant de pathos mais j’avais également trouvé la lecture un peu plombante. Les auteurs partagent complètement l’émoi de Varoujan, sans aucun filtre, et le lecteur doit composer avec ça durant sa lecture, ce qui n’est pas toujours évident 🙂

    1. Mon homme n’a pas trouvé qu’il y avait autant de pathos non plus, donc c’est purement subjectif visiblement. J’entendais les violons en lisant ^^ Mais tu as raison de souligner que l’exercice n’est pas évident.

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