« Le chant du monde » de Jean Giono

A ma grande joie, Fanny et Moka nous entraînent dans la cinquième saison du challenge Les Classiques c’est fantastique ! On commence par un thème très inspirant présenté avec un magnifique logo, Moka étant toujours aussi douée pour trouver les illustrations parfaites.

J’ai choisi Le chant du monde de Jean Giono.

Antonio se tient près du fleuve, son élément. Il perd pied dès qu’il s’en éloigne. Il connaît ses couleurs, ses mouvements, sait reconnaître l’époque de l’année en écoutant ses chuintements ou ses polyphonies. Un soir d’automne, Matelot vient à sa rencontre. Lui, après avoir connu la mer, a trouvé son élément dans la forêt. Il la connaît pas cœur et sait s’orienter dans l’obscurité, en reconnaissant l’odeur des essences d’arbre.

Si Matelot cherche Antonio, c’est pour lui demander de l’aide. Son besson (frère d’un jumeau mort) est parti avec son radeau et n’est pas rentré. Ce n’est pas normal, il a dû lui arriver quelque chose. Les deux hommes s’enfoncent dans la forêt pour essayer de comprendre ce qui a pu arriver au fils.

Le personnage de Matelot est intéressant mais celui d’Antonio l’est encore davantage. C’est un taiseux, qui communique davantage avec la nature qu’avec les êtres humains. Lorsqu’il tombe sur Clara, une aveugle qui vient d’accoucher, elle devient son étoile polaire. Car elle n’a pas besoin de ses yeux pour voir, pas besoin de paroles pour comprendre. Elle ressent tout avec le cœur et avec les vibrations qui l’entourent.

La disparition du besson les entraîne dans une expédition où les querelles de villages et l’honneur des liens du sang font loi. L’intrigue gagne en tension alors que la nature prend ses quartiers d’hiver.

Une nature qui est un personnage à part entière et qu’on voit évoluer de l’automne jusqu’au printemps. Elle accueille les habitants et oriente leurs modes de vie, leurs choix, leurs décisions, leurs humeurs. Les dialogues et comportements de Matelot, d’Antonio puis de Toussaint sont parfois obscurs, insaisissables. Alors que le langage de la nature est limpide et que c’est là que la langue de Jean Giono se déploie avec le plus d’amplitude et de faconde, jusqu’au lyrisme.

Ils marchaient sur des mousses épaisses et sur un humus gras qui craquait juste un peu sous le pied. Ca sentait le bois et l’eau. Des fois, une odeur de sève sucrée passait et Antonio la sentait à sa droite, puis à sa gauche, comme si l’odeur avait fait le tour de sa tête, lentement. Alors, il touchait tout de suite devant lui le tronc d’un frêne avec ses blessures. Il y avait aussi une odeur de feuille verte et des élancées d’un parfum aigu qui partait en éclairs de quelque coin des feuillages. Ça avait l’air d’une odeur de fleur et et ça scintillait comme une étoile semble s’éteindre puis lance un long rayon.
– Qu’est-ce que ça sent ? dit Antonio
– C’est un saule qui s’est trompé, dit Matelot. Il sent comme au printemps.

C’est un roman qui a gardé le charme désuet des romans champêtres, avec des hommes et des femmes de la campagne, qui ne parlent que pour dire quelque chose. Bien que certains personnages soient plus fiers que d’autres, tous gardent leur humilité face à la nature qui elle seule sera à jamais indomptable.

Folio, 2001, ISBN 978-2-07-036872-6, 282 pages

10 réflexions au sujet de « « Le chant du monde » de Jean Giono »

  1. Nous inaugurons cette saison 5 des Classiques avec le même auteur, bien qu’avec deux titres différents. Je note car je me suis promis de découvrir Giono, auteur envers lequel j’ai un a priori. J’ai lu l’an dernier Le bestiaire et L’homme qui plantait des arbres pour aujourd’hui, mais ça ne compte pas vraiment (le premier est une compilation de courts textes fantaisistes et le second est une courte nouvelle)…

  2. Le Chant du monde a été mon premier Giono, il y a quelques années, et depuis je n’ai pas cessé d’en lire (il y a en tant d’incroyables, que ce soit dans sa première ou sa deuxième période).
    Ce roman peut se voir comme une sorte de western contemplatif, dont on aurait remplacé le kitsch américain par l’atmosphère provençale. Savoureux !

  3. je me souviens avoir été éblouie par cette lecture, alors que j’étais adolescente. Je n’ai jamais osé le relire, de peur d’être déçue… mais peut-être est-ce une erreur…

  4. J’avais hésité entre Genevoix et Giono, j’aurais peut-être dû choisir le second. Pourtant, je ne suis pas convaincue que j’aurais été davantage séduite, je ne sais trop quoi penser suite à la lecture de ta chronique.

  5. Giono était l’écrivain parfait pour ce thème. Son petit côté désuet peut me plaire à la seule condition que cette impression n’étouffe pas le plaisir de lecture. Merci pour ta participation en tout cas !

A vous les micros !