« L’heure des femmes » d’Adèle Bréau

Connaissez-vous l’émission de radio « L’heure des femmes » ? Ce programme diffusé l’après-midi de 1967 à 1981 était présenté par sa créatrice, Ménie Grégoire. Une femme de caractère, toute petite avec une aura spectaculaire. L’idée était de donner la parole aux femmes, de leur accorder cet espace à elle pendant la sieste des enfants, pendant que le mari était au travail. Les laisser s’exprimer sur leurs désirs, leurs frustrations, poser les questions tabous sans jugement (la sexualité, le consentement, la contraception, l’impression de donner tout aux autres et de passer à côté de sa vie…).
Même entre amies, des sujets sont parfois tus. Il faut donner l’apparence du bonheur conjugal et maternel heureux. Ne pas montrer ses faiblesses, ses doutes, ses sentiments d’échec, son ignorance. Aux côtés de Ménie, la parole s’est libérée et elle a permis à de nombreuses femmes de s’émanciper, d’oser réinventer leur vie.

Adèle Bréau n’est autre que sa petite-fille et avec cette biographie romancée formidable, elle nous fait tout connaître de sa grand-mère. Elle aborde sa vie par le prisme d’une documentariste à qui on propose d’écrire un livre sur Ménie Grégoire et qui replonge dans ces années pas si lointaines mais qui témoignent tout de même d’une autre époque. On assiste ainsi à ses débuts et à ses années de gloire. On écoute les témoignages. Et ce qui est particulièrement intéressant, elle nous présente des femmes qui ne sont pas heureuses et qui vont s’épanouir en écoutant Ménie ainsi que les autres auditrices. Petit à petit, un sentiment de libération va gagner la société entière, avec des femmes plus assumées, qui manifestent leur envie de travailler, de s’enrichir intellectuellement, de voir du monde, d’être actrice dans leurs relations sexuelles, là où elles avaient l’habitude de rester en retrait, d’observer et de subir.

Le roman est passionnant et superbement écrit. J’ai adoré découvrir ce petit bout de femme à la volonté de fer, qui avait sa résidence à Rochecorbon, à côté de Tours (chez moi). Le fonds Ménie Grégoire se trouve d’ailleurs aux Archives Départementales d’Indre-et-Loire et joue un rôle majeur dans le livre.

J’ai lu ce roman dans le cadre du Prix des lecteurs Super U et c’est lui qui a gagné cette année. J’avais voté pour Les mangeurs de nuit de Marie Charrel mais je suis très contente que L’heure des femmes ait été choisi, il le mérite. Pour info, a sélection était la suivante :

Le Livre de Poche, 2024, ISBN 978-2-253-24696-1, 443 pages, 9.20€

2 réflexions au sujet de « « L’heure des femmes » d’Adèle Bréau »

  1. ça donne très très envie ! Je ne connaissais pas l’émission, quelle gageure à cette époque !

A vous les micros !