« Power » de Michaël Mention

IMG_20180514_145354.jpgAux Etats-Unis, dans les annés 60. Les noirs sont encore méprisés, le Sud garde des relents d’esclavagisme. Un vent de rebellion se lève. Martin Luther King, Malcolm X, ces figures qui résonnent comme la voix d’un peuple opprimé, qui ne veut plus être sur le bas-côté mais véritablement intégré. Etre considéré comme un humain à part entière, pas comme inférieur au blanc.

Des hommes et des femmes les écoutent et veulent prendre part à la révolte. Parmi eux, Bobby Seale et Huey P. Newton, que Michaël Mention a choisi de nommer Bobby Stills  et Huey Norton. Car si ce récit est largement inspiré de faits réels et suit la trame de l’Histoire, il n’en s’agit pas moins d’un roman. Tous deux vont cimenter leur colère et leur rage autour d’un projet constructif qui a pour but d’aider le peuple noir à s’émanciper et à s’affranchir de ces chaînes invisibles qu’on l’oblige à porter. Ce projet, c’est le Black Panther Party.

Les Black Panthers, nous les connaissons tous de nom. Pourtant, même en ayant suivi des cours de civilisation américaine à la fac, je ne savais pas trop de quoi il s’agissait. Et grâce à Michael Mention, c’est leur histoire et celle de ceux qui l’ont bâtie que nous allons apprendre à connaître.

Sans être un documentaire, Power nous fait vivre au coeur du parti. Nous allons faire connaissance avec ses créateurs. Qui ils sont, d’où ils viennent, quelles sont leurs inspirations. Ils ont peut-être fondé les bases de leur parti en une nuit, mais c’est l’aboutissement d’une réflexion engagée déjà au préalable, à travers leurs lectures. Et c’est l’expression structurée d’un ras-le-bol.

Ainsi, au cours du roman, nous allons suivre différents personnages qui vont venir se greffer au mouvement. A Chicago, à Philadelphie, en Californie. Le parti va prendre de l’ampleur, et comme toute grosse organisation qui se respecte, il y a aura des couacs. Des désaccords, des tensions, des trahisons. La métamorphose du parti au fil des mois et des années est passionnante à suivre. On la vit avec nos tripes, faisant corps avec les protagonistes. On a la rage et on a peur. On se sent soulevés par leur soif de justice. C’est un roman terriblement immersif, brillant.

Passionnant aussi car l’écriture est frappante, le rythme cadencé. Michaël Mention utilise une forme de narration proche de celle du script, avec des paroles de musique qui viennent couper un paragraphe, la bande-son animant davantage l’action. Il y a aussi une sorte d’impression photographique, avec des images qui surgissent pour renforcer le choc, la violence, le chaos. Un procédé d’écriture très efficace qui cadre complètement avec le sujet du roman. Aussi percutant que le poing levé en couverture.

A travers les personnages que nous suivons, nous faisons face à différentes perceptions de ce qui se passe à l’époque. Il y a ce policier, qui pense que tous les noirs ne sont pas à mettre dans le même sac, mais qui pète un plomb quand il comprend que tous les noirs le mettent dans le même sac que les flics racistes. Charlene, toute jeune et déjà si engagée, qui ne vit que pour le parti. Tyrone, que le FBI charge de jouer la taupe et qui n’arrive pas à assumer sa duplicité. Et tant d’autres encore, sans que jamais on ne perde le fil.

Michael Mention a de plus su étoffer l’histoire en la contextualisant un maximum. Sont mentionnés notamment l’assassinat de Robert Kennedy et la secte de Charles Manson. Il y a la musique, le cinéma… Tout y est pour qu’on soit plongés jusqu’au cou dans l’ambiance des années 60-70 aux Etats-Unis.

Nouveau coup de coeur donc pour ce roman publié aux Editions Stéphane Marsan. J’ai adoré cette lecture, tant pour le style, que pour ce qu’elle m’a appris, pour ce qu’elle m’a fait vivre.  Je recommande à tous, chaudement.

Stéphane Marsan, 2018, ISBN 978-2-37834-021-6, 454 pages, 20€

 

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A vous les micros !