« Pourquoi tu danses quand tu marches ? » d’Abdourahman A. Waberi

Roman autobiographique, Pourquoi tu danses quand tu marches ? vient de la question que la fille d’Abdourahman A. Waberi, alors âgée de quatre ans, lui a posé un matin sur le trajet de l’école. On avait fait peser autour de la petite un secret dont il ne fallait pas qu’elle parle. Son père ne pouvait pas faire de vélo, marchait différemment des autres papas… jusqu’au jour où elle s’est autorisée à lui poser la question.

C’est ainsi que le narrateur ouvre la porte sur son enfance et déroule le fil de son histoire, avec pour ligne conductrice le dialogue entre un père et sa fille. C’est elle la clef qui va lui permettre de se retourner sur son passé à Djibouti, de l’accepter et de s’en affranchir. C’est un chemin qu’il a parcouru depuis des années, en passant de gamin d’une famille pauvre de Djibouti à professeur à Washington.

Le narrateur était un enfant fragile, chétif, tout le temps atteint de fièvre. Son père passait ses journées dans la boutique qu’il tenait, essayant de gagner quelques sous. Sa mère perdait vite patience et n’avait plus d’yeux que pour le fils plus solide né après le narrateur (personnage très proche d’Abdourahman A. Waberi mais est-ce tout à fait lui ?). A sept ans, il a contracté la poliomyélite, ce qui lui a valu d’avoir une jambe qui ne s’est pas développée comme l’autre. Ce qui lui a valu de danser en marchant. D’être différent.

Cette différence, il l’a cultivée grâce à des personnages qui ont marqué sa vie. Sa grand-mère tout d’abord, qui lui dispensait la tendresse qu’il ne trouvait pas dans les bras de sa mère. Il y a eu Madame Annick, l’enseignante qui lui a montré le chemin de la lecture et des livres. La littérature, une véritable bouée de sauvetage qui l’a maintenu à flot et lui a permis d’aller vers de nouveaux horizons, grâce à l’instruction acquise sur les bancs de l’école où il a réussi à gagner sa place. Son épouse italienne, rencontrée en tournée alors qu’il est déjà devenu écrivain.

Ce roman est émouvant, comment pourrait-il en être autrement en suivant le destin atypique de ce garçon de Djibouti que rien ne prédestinait à suivre des études en France pour devenir un écrivain et professeur ? Avec une enfance difficile, aux côtés d’autres enfants d’une méchanceté typique de leur âge. Pourtant, ce récit est lumineux de la première à la dernière page. Sans doute parce que l’auteur est à présent apaisé, comblé et reconnaissant. La belle relation qu’il tisse avec sa fille transparaît en filigrane. Elle permet d’adoucir les rugosités du passé.

Puis il y a la beauté de la langue, d’une grâce infinie. La force du message, qui est plus qu’un témoignage. Peu importe d’où on vient, les handicaps, il n’y a pas d’impasse si on suit sa voie. Et évidemment, il y a la littérature et les mots. En me mettant à noircir des papiers je cherchais le terrain où poser la maison de mes rêves. Une maison qu’on a envie d’arpenter en allant à la rencontre des autres livres d’Abdourahaman A. Waberi.

Folio, 2021, ISBN 978-2-07-289469-5, 219 pages, 8.10€

Chronique rédigée pour Les Chroniques de l’Imaginaire

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