Né en France en 1928, Robert Badinter est issu d’une famille venue de Bessarabie (actuelle Moldavie) dans les années 1900. Sa grand-mère Idiss, née en 1863, et son grand-père Schulim, né en 1864, ont été obligés de fuir leur pays à cause des pogroms qui s’intensifiaient et se rapprochaient. Leurs deux fils étaient déjà partis en France. Idiss et Schulim n’arrivaient pas à quitter leur pays, d’autant plus que Schulim avait été soldat pour le Tsar de Russie et n’arrivait pas à comprendre qu’il ne soit plus un citoyen respecté, lui qui avait donné 5 ans de sa vie à son pays, pour la seule raison qu’il était juif.
Cet album retrace donc le parcours d’Idiss, grand-mère chérie de Robert Badinter. Depuis le moment où elle était mère de deux enfants sans nouvelle de son mari jusqu’à son décès. On trouve le portrait d’une femme courageuse, aimante et dévouée à sa famille, qui a su donner à ses enfants les armes pour qu’ils parviennent à trouver leur place. Ses deux fils ont réussi à monter une affaire prospère en France tandis que Charlotte, la petite dernière, a aussi pu s’élever socialement grâce aux études et à son ambition. C’est elle, la mère de Robert et de son aîné Claude.
Il est intéressant de suivre l’évolution de cette famille, depuis la Bessarabie jusqu’au quartier du Marais à Paris, où ils se sont tous d’abord installés. Puis les décors ont évolué au rythme de l’ascension sociale de Charlotte et de son mari Simon (originaire d’un village proche du sien en Bessarabie) : le pavillon à Fontenay, l’appartement dans le 16è arrondissement…
La vie n’a pas toujours été rose, loin s’en faut, car il a fallu faire des sacrifices et passer la période dramatique des années de persécution des juifs pendant l’Occupation. Ce qui avait été durement gagné à la sueur du front pouvait leur être retiré en un claquement de doigts.
Robert Badinter a écrit un livre sur sa grand-mère, Idiss, dont est tiré cet album. Il a souhaité que dans l’adaptation les personnages ne ressemblent pas aux membres de sa famille car c’est une histoire universelle. Il est vrai que les histoires d’immigration se ressemblent toutes, mais il est bon de raviver la mémoire de ceux qui ont posé les bases de son histoire personnelle. Ce récit est donc un hommage à Idiss, et aussi à Charlotte, qui a inculqué à ses enfants le sens de la famille, du travail, de l’effort et du mérite. C’est aussi un hommage aux disparus de la famille qui ne sont jamais revenus pour les raisons absurdes que nous connaissons tous.
Je terminerai ce billet par les belles illustrations de Fred Bernard, dont les couleurs très vives m’ont un peu piqué les yeux, je dois le dire. Mais cela m’a fait penser au décorum des églises orthodoxes de la péninsule des Balkans, très colorées (voire bariolées) et même si ce n’est pas la religion de la famille d’Idiss, cela colle avec le patrimoine culturel de ses origines. J’y ai donc trouvé une cohérence même si je ne suis pas certaine que cela soit l’intention de l’illustrateur.
Idiss est en tout cas un superbe album, passionnant et émouvant, qui laissera à tous les lecteurs un beau souvenir de celle qui fut la grand-mère de Robert Badinter.
Rue de Sèvres, 2021, ISBN 978-2-81020-810-4, 120 pages, 20€
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Un coup de coeur à venir pour moi je l’espère puisqu’elle est sur ma PAL !
Une superbe adaptation qui m’a donné envie de découvrir le témoignage de Robert Badinter.
Un de mes prochains ! Hâte
Voilà qui me tente ! J’aime ce type de témoignage et je craque pour ce graphisme qui me fait penser à des dessins d’enfants. Je note ce titre!
J’ai l’intime conviction qu’elle pourrait me plaire !
Elle m’attend et je m’en réjouis !
dans ma PAL
Je ne t’ai lue qu’en diagonale car je viens de recevoir l’album 🙂
un bel hommage à cette femme!
Ton coup de coeur me conforte dans le fait de le mettre dans ma wish list
Une belle découverte pour moi aussi !
Elle a l’air de plaire à toute personne qui l’a entre les mains! Et je pense qu’elle pourrait me faire de l’effet.
Ah c’est intéressant, je note !