C’est le dernier lundi du mois, le moment de présenter notre lecture pour le challenge Les classiques c’est fantastique. Le thème de janvier est « Big Brother is watching you », autrement dit, de la science-fiction. Bien que c’était un thème que j’avais proposé à Moka et Fanny, je n’étais pas très inspirée, la SF et moi ce n’est pas le grand amour. J’étais bien prête à me lancer dans Le Cycle de Tschaï de Jack Vance, mais impossible de remettre la main dessus alors que nous avons récemment refait toute notre bibliothèque. Lucky me.
Je vous avoue que je suis fâchée contre moi-même parce que je suis une éternelle tête-en-l’air et que j’ai sottement vendu la mèche sur ma lecture mystère de ce mois-ci… On ne m’y reprendra plus !
Trêve de blabla, venons-en à cette petite merveille que j’avais envie de lire depuis bien longtemps. Pour la peine j’ai dérogé à ma règle de piocher dans ma PAL pour les classiques, je me suis achetée le roman tout neuf chez Folio.
Commençons par le titre, qui évoque de manière opaque le sujet du roman : c’est à 451° Fahrenheit qu’un livre brûle. Maintenant que nous sommes éclairés, que nous savons que l’histoire va tourner autour d’autodafés de livres, venons-en au personnage principal : Montag. Un pompier. Mais pas un pompier tel que nous le connaissons. Lui, son métier, c’est de provoquer des incendies.
A la caserne, Montag et les autres pompiers attendent un appel. Une dénonciation souvent. Dans une maison, il y a des livres. Il faut aller brûler les livres. Et la maison. Montag ne se pose pas de questions, il applique. Quand il rentre chez lui, sa femme est devant les écrans, qu’elle appelle la Famille. Des programmes abrutissants paramétrés pour s’adresser directement aux personnes qui les regardent. Plus personne ne réfléchit.
Mais un soir, il tombe sur une jeune femme en sortant du métro. Elle est spontanée, dans le moment présent. Lui montre la beauté de la lune, du plaisir d’écouter le vent. Toutes ces petites choses qui font qu’on se sent vivant. Il attend impatiemment de la revoir à chaque fois, sans aucune tension sexuelle, seulement pour l’entendre parler, capter son énergie et son optimisme. Il commence à s’éveiller et à comprendre que cette société cloche. Qu’il n’est pas normal d’abrutir les gens, de leur interdire de lire.
Mon psychanalyste veut savoir pourquoi je vais me promener, pourquoi je marche dans les bois, pourquoi je regarde les oiseaux et collectionne les papillons.
La révélation atteindra son paroxysme en voyant le regard déterminé et le sourire d’une femme prête à mourir dans les flammes avec ses livres. Que peut donc se trouver dans tous ces ouvrages qu’elle ait préféré accueillir la mort plutôt que de vivre sans eux ?
Au-delà de l’effrayante société dans laquelle vit Montag, soumise, aseptisée, impersonnelle, le roman est intéressant pour la réflexion menée par Ray Bradbury. Qu’est-ce qu’un livre ? C’est une porte ouverte sur le monde.
La plupart d’entre nous ne peuvent pas courir en tous sens, parler aux uns et aux autres, connaître toutes les cités du monde ; nous n’avons ni le temps ni l’argent, ni tellement d’amis. Ce que vous recherchez, Montag, se trouve dans le monde, mais le seul moyen, pour l’homme de la rue, d’en connaître quatre-vingt-dix-neuf pour cent, ce sont les livres.
Et c’est bien cela dont les autorités ont peur. Lire c’est connaître. C’est penser, réfléchir, comprendre, raisonner, critiquer. Lire c’est se construire. C’est avoir les cartes en main pour ne pas se soumettre.
Les livres ne sont pas le seul danger à écarter. Il faut empêcher les gens de réfléchir, les plonger dans une vie d’oisiveté et de loisirs, comme Mildred, la femme de Montag qui ne vit que pour sa Famille et ne peut pas tenir une conversation sérieuse avec son mari. Les intellectuels sont écartés, nombre d’entre eux ont créé des communautés isolés à la lisière des villes. Montag, en essayant de se libérer du carcan dans lequel on l’a enfermé, va devenir la nouvelle cible des autorités.
Fahrenheit 451 est un excellent roman, qui ouvre plusieurs pistes de réflexion : le rôle des livres, la capacité de modeler un peuple, les limites de sa propre réflexion quand un système fait tout pour l’annihiler. La société du bonheur vantée par le régime en place trouve facilement ses limites avec Montag en premier lieu, qui se rend compte qu’il n’est pas heureux. Et avec tous ces gens qui s’accrochent à leurs livres, parce que c’est justement tout ce qu’ils trouvent dans les livres qui les rend heureux. Montag sent que quelque chose lui échappe, l’autodétermination, choisir lui-même où son bonheur se trouve.
Ce roman de science-fiction a marqué les esprits et il est aisé de comprendre pourquoi. C’est une oeuvre maîtrisée, avec une réflexion poussée et pertinente, effrayante car pas si absurde que cela. Nos dirigeants ne rêveraient-ils pas que nous soyons dociles et doux commes des agneaux ? Un titre que je suis très contente d’avoir enfin trouvé l’occasion de lire.
Folio SF, 2020, ISBN 978-2-07-041573-1, 237 pages, 6.30€
C’est incontestablement le classique SF auquel va ma préférence. Je l’adore et sa lecture avait été une véritable claque. J’avais même hésité à le relire pour notre rdv. Je suis ravie qu’il y figure dans nos sélections mensuelles.
Le sujet m’avait toujours interpellée (évidemment !) mais je n’avais encore jamais mis le nez dedans. On en sort secoués. En relisant 1984 à travers la BD je vois de nombreux parallèles entre les deux ouvrages. Les écrans notamment, ils avaient tout compris ces deux là. Dans Fahrenheit 451 Bradbury décrit très bien le rôle des livres, et à quel point ce serait catastrophique de vivre sans eux. Je suis bluffée.
C’est donc à toi que je dois ma cure de sf ! Moi qui ne suis pas du tout adepte du genre, j’ai heureusement fait de très belles lectures et je n’en suis pas sortie dégoutée.
Concernant le livre que tu as choisi, il était impensable qu’il ne soit pas présent cette semaine ! ( ici ou ailleurs… 😉)
Oui, je ne sais pas ce qui m’a pris ! En regardant les classiques du genre soit ça ne m’intéresse vraiment pas (Dune, La planète des singes), soit j’ai déjà lu (La guerre des mondes, La machine à explorer le temps). D’où une participation au minima.
Mais je ne regrette pas puisque tu as été enchantée de tes lectures !
Lu et relu avec toujours le même plaisir…..un roman très fort et chargé de messages 😉
Il est incroyablement visionnaire et lucide pour l’époque. C’est impressionnant… et effrayant.
Un très bon roman, lu il y a très longtemps, mais que je relirai un jour !
Il n’est pas très long et si chargé de messages comme dit Mumu que je pense que je le relirai aussi un jour. J’ai déjà mis plein de post-its partout pour repérer les passages forts ^^
Ravie comme toi d’avoir craqué pour ce classique car il en vaut vraiment la peine! Sa renommée s’explique aisément après lecture. 😉
Si tous les romans de SF/anticipation étaient du même acabit, j’en lirais volontiers davantage.
Ce roman m’avait beaucoup plus et marquée à l’adolescence, et ça me donne très envie de le relire !
C’est effectivement un titre à relire, il secoue et remet les idées en place.
Je l’ai lu il y dix ou quinze ans et je ne m’en rappelle guère : autant dire que tu me donnes très envie de le relire !
J’en suis très contente !