Tout le monde se souvient du Printemps arabe et des révoltes populaires qui ont conduit à la chute des pouvoirs et notamment en Lybie, à celui de Kadhafi. Ce chef militaire tenait jusqu’alors le pays entre ses mains avec ses partisans.
Lorsque le roman de Yasmina Khadra débute, la traque a commencé. Kadhafi se cache dans une ancienne école alors que ses opposants le cherchent et que les combats font rage autour de lui. Il dort cloitré dans une chambre qui ne doit pas laisser passer la lumière. On lui apporte ses repas, ses bras droits sont là mais on sent la fragilité des nerfs. Le grand commandant est en sursis et tout le monde le sait ; mais personne n’ose l’admettre.
Comme le titre l’indique, il s’agit de la dernière nuit du Raïs. Donc pas de surprise, on connait la fin. Ce qu’on connait moins, et là je ne sais pas à quel point l’auteur a pu se documenter, c’est le déroulement des faits. Bien sûr, il y a forcément une part de fiction. Comment autrement rendre compte des pensées de Kadhafi ? Des mots échangés avec ses subordonnées ? Des craintes pour son fils parti chercher des renforts ? Mais globalement, la véritable chronologie des faits est exposée à la lumière des pensées et souvenirs fictifs du Raïs.
Qu’il soit clair que Yasmina Khadra ne prend pas parti pour ce dictateur. Il a pris possession du personnage pour essayer de coller au plus près de ce que ce mégalomane (comme tout bon dictateur qui se respecte) pouvait penser de lui, de son pays, de « son » peuple et de ce qu’il avait fait pour lui. Car évidemment, les dictateurs agissent toujours pour le bien de leur peuple, c’est bien connu. J’ai trouvé ce parti pris particulièrement réussi. L’auteur a su garder un juste équilibre en ne forçant pas le trait des pensées de Khadafi, qui pourraient vite friser la caricature du méchant monstre sanguinaire. Pas plus qu’il n’a tenté de glisser sa propre voix pour prendre de la distance par rapport à son personnage, comme pour s’excuser de donner la parole à cet homme. Il le fait parler pour rendre compte, pas pour rendre des comptes.
J’ai aussi été charmée par l’écriture de Yasmina Khadra, tout en finesse et élégance malgré le contexte explosif de la situation et l’atmosphère tendue. Là encore il a évité le travers de tomber dans le roman d’action pour livrer un récit violent avec une écriture délicate. Une main de fer dans un gant de velours.
Peu intéressée par les conflits politiques en général, je ne m’étais pas penchée plus que cela sur la question du pouvoir de Kadhadi et de la situation de la Lybie. D’ailleurs je m’en fiche toujours autant. Mais j’aime malgré tout percevoir ces évènements sous une plume romanesque et apprendre des choses sans que cela soit du martelage médiatique biaisé. Et pour cela aussi ce roman est plutôt bien fait. Kadhafi se remémore son arrivée au pouvoir et la façon dont il l’a assuré. Toujours avec une autosatisfaction aveugle.
Vous l’aurez compris, j’ai été emballée par cette lecture et ne peux donc que vous la recommander !
Julliard, 2015, ISBN 978-2-260-02418-1, 216 pages, 18€
Je l’ai terminé aussi en début de semaine. Conquise moi aussi par cette analyse du pouvoir et de la chute appliquée à Khadafi mais si général dans le registre de la tragédie.
J’a beaucoup aimé moi aussi. Et j’ai trouvé la fin sublime (au niveau de l’écriture du moins parce que pour le pauvre Khadafi…).
J’aime beaucoup l’auteur mais là, le sujet ne me tente pas, et bien que ton billet soit alléchant, je passe mon tour.
J’aime beaucoup l’écriture de Khadra donc j’espère bien lire aussi ce roman là. Le sujet est difficile ! Comme tu dis, on ignore à quel point il a pu se documenter. Je trouve ça risqué et casse gueule de se mettre dans la peau d’un dictateur mais si c’est réussi, je fonce le lire!
J’ai également lu et apprécié ce roman!. Challenge réussi pour l’auteur 🙂