« Kinderzimmer », de Valentine Goby

9782330022600Pour commencer la semaine dans la joie et la bonne humeur, je vais vous parler de ce roman de la rentrée littéraire que Jostein a eu la gentillesse de me prêter.

Résumé : En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent une jeune femme survit, elle donne la vie, la perpétue malgré tout.

Mon avis : très beau roman.

Le sujet des camps de concentration et d’extermination a déjà été maintes et maintes fois exploré, et pourtant, c’est un sujet qui m’attire toujours autant. A chaque lecture, j’ai l’impression de ne pas avoir été au bout de l’horreur, comme s’il y avait des choses encore tabous ou peu abordées, je découvre toujours de nouvelles informations.

Dans ce roman, j’ai appris l’existence des Kinderzimmer, les chambres d’enfants. C’est à travers le personnage de Suzanne Langlois, alias Mila, que nous pénétrons l’univers d’un camp de femmes à Ravensbrück.

Cela commence comme toutes les histoires de déportées : l’arrestation, le convoi, l’arrivée au camp. Les humiliations, la faim, la soif. Mais parmi toutes les femmes parquées dans le Block, Mila possède quelque chose qui la différencie des autres : un foetus.

La grossesse de Mila dans ce camp est bouleversante. D’une part, elle n’a pas eu de chance. Il aura suffi d’une fois pour que la petite graine devienne un embryon. Elle ne sait rien de la façon dont on porte un bébé. Est-ce qu’il est au milieu de poches et de tuyaux ? Elle ne sait rien de la façon dont on met au monde. Elle n’est même pas certaine d’être enceinte tant son ventre décharné reste plat, ses seins tirent alors qu’ils ont perdu toutes leurs rondeurs.

Valentine Goby décrit la vie dans ces camps d’un point de vue très féminin. Elle s’attarde beaucoup sur les corps, les allures, les efforts des unes et des autres pour ne pas devenir que des Stück (morceaux) mais garder une certaine dignité. J’ai lu différents témoignages sur ces camps et ce qui m’a frappée ici c’est la solidarité entre les femmes. J’ai toujours lu que la règle devenait vite le chacun pour soi, j’ai donc eu un peu de mal à me laisser totalement emporter par le récit. J’espère pourtant qu’une telle entre-aide a réellement existé.

Ce n’est donc pas un coup de coeur à cause de ce détail, car autrement le récit est beau, bien construit, remarquablement décrit. J’ai beaucoup aimé le style d’écriture, on a l’impression de vivre les évènements sur l’instant : « Monter dans le wagon, saisir une caisse, soulever la caisse, d’abord debout en courbant le dos, accroupie finalement, sur le modèle des autres femmes, pour préserver les reins, puis chaque fois se relever en serrant les abdominaux, le haut du corps vidé de sang, avec la sensation de précipice au bout des semelles. »

Je ne voulais pas trop en dire mais comme le titre l’évoque déjà, nous allons entrer dans la Kinderzimmer après l’accouchement de Mila. Les conditions dans lesquelles vivent les bébés sont atroces, c’est la partie qui m’a le plus émue, et qui m’a aussi appris le plus de choses. L’inhumanité n’a décidément pas de limites.

Un récit sensible, poignant, dont j’ai beaucoup apprécié la lecture.

De nombreux billets ont  publiés, je mets en avant celui de Jostein car c’est celui qui m’a le premier donné envie de lire ce roman. Je la remercie encore 🙂

Actes sud, août 2013, ISBN 978-2-330-02260-0, 221 pages, 20€

logorl2013

35 réflexions au sujet de « « Kinderzimmer », de Valentine Goby »

  1. J’avais vu le titre chez Phili qui visiblement aime bien l’auteure, tu m’en apprends un peu plus ! Je ne savais pas qu’il y avait des « nursery » dans ces camps et pourtant j’ai beaucoup lu sur la question, je le note !!! 😀

    1. J’ai aussi pas mal lu de romans ou documents sur les camps, et c’est fou comme souvent j’apprends quelque chose de nouveau. C’est un sujet malheureusement inépuisable.

  2. Ce livre est de ceux que je souhaiterais découvrir en priorité parmi les publications de la rentrée ! Ton billet en rajoute une couche. Vivement les acquisitions de ma bibliothèque ! ^^

    1. Tu m’étonnes ! Heureusement que les copinautes me prêtent leurs livres, sinon c’est pareil pour moi, j’attends que ce soit en biblio. Ou en poche, mais là j’ai le temps de voir venir ^^

  3. Ce roman a l’air intéressant, je l’ai noté d’ailleurs mais je crains de ne pas aimer la plume de Valentine Goby, j’ai L’échappée dans ma PAL depuis des années et je n’arrive pas à aller au-delà des premières pages

    1. C’est la première fois que je m’essaie à la plume de cette auteure, même si j’ai aussi L’échappée dans ma PAL. Le style m’a plu, car il collait bien à l’histoire. A voir si j’accroche aussi les fois suivantes 🙂

  4. un livre à lire au moins pour le thème historique car comme Bianca j’ai quelques réticences avec l’auteure j’accroche peu avec ce qu’elle écrit

  5. Un livre fort dur à lire… J’ai lu assez bien de livres sur les camps de concentration et j’en suis toujours ressortie plus que bouleversée. Certains, je ne les ai même pas terminés…

    1. Alors que moi j’adore lire des romans sur cette période. Car j’ai beau en savoir davantage à chaque fois, je n’arrive pas à comprendre que cela ait pu exister, et cela me fascine.

      1. Oui, je peux comprendre, mais à un moment, j’ai eu plus que la nausée de voir/lire ce que l’être humain était capable de faire à d’autres. J’avais beau me dire que cette fois, là, sûr que j’avais touché le fond de l’horreur humaine, il y en avait toujours un autre pour m’en apprendre encore plus pire (pas français, je sais).

        Ce que je ne comprend pas c’est que l’Europe (continent et pays, pas l’Union) a vu et a laissé faire, se disant que « bah, tant qu’il tue des autres que nous, c’est bon ». Mais là,je m’éloigne du sujet du livre que tu as lu.

    1. Oui, pareil, quand je n’ai pas aimé peu m’importe d’être convaincante. Mais quand j’ai aimé, j’ai envie de transmettre à quel point. Pas toujours évident 😉

  6. Le sujet est terriblement dur mais tout le monde s’accorde pour dire que ce roman est une belle réussite, du coup je pourrais finir par me laisser tenter.

  7. Ce roman me tente vraiment ! Comme toi, le cadre de la Seconde Guerre mondiale m’intrigue beaucoup.
    Vu que tu as aimé cette lecture, je te conseille « Max » de Sarah Cohen-Scali où on suit un bébé de sa naissance à ses dix ans. C’est un pur aryen dont la naissance a été programmée dans un Lebensborn, des centres pour accueillir les mamans et leurs bébés destinés à être de vrais allemands national-socialistes. Bouleversant mais vraiment intéressant.
    C’est publié dans la collection Scripto de Gallimard, pour les ados et jeunes adultes, donc l’écriture n’est sûrement pas du tout la même que celle de Kinderzimmer, mais ça se laisse lire !

  8. un roman qui m’a également impressionné, et marqué… une découverte fructueuse, dans cette montagne de romans de la rentrée littéraire !

  9. Un livre qui traîne dans ma PAL depuis près de 2 ans et que je viens juste de terminer. Un magnifique récit, une écriture percutante. Beaucoup d’émotion et de retenue pudique également. Beaucoup de respect et un magnifique hommage aux femmes dont l’histoire a nourri ce récit. La découverte d’une auteure également, qu’il me tarde de retrouver.

A vous les micros !

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