En hiver 1906, l’insouciance et la folie de la jeunesse semblent déjà bien loin pour François Peyregrandes, malgré ses vingt-et-un ans. Atteint de la tuberculose, il se voit contraint de mettre de côté ses études à l’école des Beaux-Arts de Toulouse et d’intégrer le sanatorium de Royal Aubrac, tenu par un ami de son père. Perdu dans les montagnes enneigées, le « plus bel hôtel climatérique de France » accueille une clientèle aisée, venue prendre le grand air dans les cas les moins graves. Ou mourir à petits feux pour les cas désespérés.
Dès son arrivée, François ressent cette atmosphère de mort et de souffrance. Une tache de sang persistante sur la moquette, des chambres dépouillées, meublées du strict nécessaire afin de faciliter les désinfections. Tout rappelle la mort, jusqu’à la première question du médecin : qui appeler en cas de décès ? Pas très rassurant tout ça, pour un jeune homme qui espère sortir d’ici peu, guéri. Heureusement, son voisin de chambre anglais, Warren, s’avère amical et d’excellente compagnie. Il lui explique le fonctionnement du sanatorium et lui présente les autres patients, parmi lesquels se trouvent de fervents optimistes. La présence d’une jolie jeune fille donne aussi à François de quoi occuper ses pensés loin des tracas de la maladie.
L’intrigue est donc aussi simple que cela : la vie de François dans un sanatorium. Il est vrai que présenté ainsi on peut se demander l’intérêt de la BD. Eh bien aussi étonnant que cela puisse sembler, c’est terriblement prenant. Il ne se passe pas grand chose, il y a même de longues descriptions sur les maladies des uns et des autres, et lorsque le médecin explique à François ce qu’il a on a envie de lui demander une traduction, mais on est pris dans l’histoire quand même. Il faut dire que les personnages sont extrêmement attachants, à commencer par François qui voit son rêve de devenir un grand artiste se réduire comme peau de chagrin. Warren attire aussi notre sympathie, lui qui sous ses airs de grand gaillard athlétique couve une santé si fragile. Les dessins sont aussi très beaux, soignés, et très épurés. La solitude, la désolation et la maladie se ressentent rien qu’en regardant les planches. Les traits sont nets, les décors peu fouillés, en cohérence avec l’objectif de purification du sanatorium. Quant aux couleurs il y a une dominance de blanc, de gris, de beige, des tons qui inspirent la maladie. Mais pour les décors uniquement, les patients ont souvent un teint rose et une mine de bien portant. C’est ce qui fait que Royal Aubrac n’est pas une histoire de personnages malades, mais de personnages dans un lieu de maladie.
Dans le deuxième tome, la vie suit son cours au sanatorium. François et Warren sont toujours aussi amis, et n’hésitent pas à outrepasser les règles de l’établissement pour passer du bon temps hors de ses enceintes. Ils vont d’ailleurs être encouragés par un nouvel arrivant, un excentrique nommé Gaspard Champion. Au cours de ce tome, François se rapproche aussi de la belle Geneviève, dont il était tombé amoureux dans le premier opus. Les personnages étaient déjà attachants dans la première partie de ce diptyque, ils le sont encore plus ici. Les émotions sont exacerbées, que ce soit dans la joie ou dans la peine. Car les escapades des trois compères, accompagnés d’un quatrième larron, seront de véritables bouffées d’oxygène qui feront oublier un temps les miasmes du sanatorium. Mais pour certains le voyage s’arrêtera trop tôt.
L’histoire est racontée par François, qui parle d’un souvenir. Il y a donc une voix off, qui vient se poser sur les jours qui passent, avec douceur. C’est le sentiment que j’ai en fermant ces ouvrages, une certaine sérénité. Malgré la présence omniprésente de la maladie, François et Warren profitent sans se poser plus de questions que nécessaire. Comme le dit l’Anglais, ce sont des « stoïques ».
C’est un très beau diptyque que nous ont offert Christophe Bec et Nicolas Sure. Tout en douceur, sensible, émouvant, et esthétiquement sublime. Ce n’est pas un sujet des plus réjouissants mais il est très bien traité, avec finesse. A recommander sans réserve.
Chronique réalisée pour les Chroniques de l’Imaginaire
Vents d’ouest, 2011 et 2011, ISBN 978-2-7493-0615-5 et 978-2-7493-0677-3, 56 pages, 14,50 €
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Et bien je découvre à la fois ces couvertures et cette histoire. Je ne pense pas que j’aurai pris le temps de m’arrêter sur ces tomes en temps normal. Je vais aller y jeter un œil en tout cas. Cela assouvira ma curiosité et puis… qui sait… ^^ 😉
Je suis contente de t’avoir fait découvrir cette BD. J’ai tout aimé, l’histoire, les dessins, la façon de raconter… J’attends ton avis si jamais tu te laisses tenter 😉
bonjour
j ai acheté les 2 bds pour mon aniversaire car j’habite en Lozère où se situe le Royal aubrac
c’est un batiment immense au bord du chemin de St jacques de Compostelle…mais c’est une autre histoire…
le livre est très beau, je suis très content de mon cadeau !!!
je vous recommande le livre et la Lozère… cet endroit est magique en hiver et très beau en été…
Très envie aussi de lire ces albums dont l’histoire et surtout l’endroit où elle se déroule me fait très fortement penser à un livre que j’ai beaucoup aimé de Thomas Mann: La Montagne magique qui se passe aussi dans un sanatorium J’espère que je les trouverai facilement! .
Je n’ai jamais lu La Montagne Magique, mais ça viendra, c’est un classique que j’aimerais avoir dans ma biblio 🙂 J’espère aussi que tu les trouveras, et du peu que je connais de tes goûts, je pense que ça te plaira Mango.
Un peu plombant comme sujet de départ. Pourtant à te lire je me dis que ça pourrait vraiment me plaire.
Il ne faut pas s’arrêter au sujet, C’est plus une histoire sur l’amitié, les relations humaines, qu’une BD sur la maladie.
Déjà tu en parles très bien ! et si l’histoire ne m’attire pas au départ, tu as su m’émouvoir et me faire noter ses titres.
Tant mieux, je voulais donner envie de lire cette histoire qui de prime abord ne donne pas envie d’aller plus loin 🙂
Je ne connaissais pas mais je suis curieuse maintenant. J’y jetterai volontiers un coup d’oeil.
Oui, sois curieuse, c’est à lire ! ^^
Voilà qui me tente énormément allant une fois par an en Aveyron !
L’histoire se passe peu en dehors du sanatorium mais cela reste en Aveyron malgré tout, c’est vrai. Tu as déjà eu l’occasion de voir ce bâtiment ?
Tu as su susciter ma curiosité !
Chouette chouette chouette !!!
Je t’avoue que le sujet ne m’emballe pas des masses mais vu que tu recommandes sans réserve… pourquoi pas !
Tente si tu en as l’occasion, tu verras que c’est une belle histoire 🙂
J’ai lu le 1er tome et j’ai adoré les dessins, délicats, aquarellés, superbes ! Par contre, j’ai trouvé que l’histoire était longue à se mettre en place. Du coup, pas encore lu le tome 2.
J’espère que tu apprécieras tout autant la lecture du tome 2 alors ^^
Ben pour le coup, à moins que ma bibliothèque le possède, je ne l’achèterai pas.
J’espère que tu le trouveras à la biblio alors 🙂